"Pour une vision d'une humanité unie", tel est le message du Cheikh Bentounes.

 

Dans le cadre de l’événement «Faire la paix avec la Terre, une réponse des sagesses du monde au défi climatique », qui a eu lieu du 12 au 18 juillet 2015 au Val de Consolation, plusieurs personnalités emblématiques de l’écologie et de la spiritualité ont été conviées afin de réfléchir aux moyens d’influer sur la COP21, la conférence internationale pour le climat à Paris en décembre 2015.

 

Parmi les personnalités engagées: Philippe Roch, (ancien Secrétaire d'Etat suisse) Dominique Bourg (philosphe et vice-président de la Fondation Nicolas Hulot), Michel-Maxime Egger (philosophe), Virgile Rochat (théologien), Corine Pelluchon (philosophe), Marc Raphaël Guedj (rabbin), Jean-Marc Falcombello (spécialiste du bouddhisme tibétain), Bernard Perret (économiste), Martin Kopp (délégué protestant aux conférences climat), Otto Schäfer (pasteur protestant), Adèle Thorens (co-présidente des Vers suisses), Cheikh Khaled Bentounes (leader spirituel de la voie soufie Alâwiyya)

 

 

À la question comment la spiritualité peut-elle nous aider, le Cheikh Bentounes nous livre son témoignage, dont voici quelques extraits.

 

"La présence de la spiritualité nous rappelle à une prise de conscience intérieure et à nous relier à cet espace sacré, dont nous avons besoin aujourd’hui. Que nous soyons croyants ou pas croyants, le problème est dépassé aujourd’hui! Ce n’est pas de croire ou ne pas croire en Dieu qui est aujourdhui la question principale, importante, mais de croire en l’Humanité, c’est-à-dire en nous-mêmes. Croire en l'unité de l'humanité. Non pas de croire dans l’unité divine, mais dans l’unité humaine

 

Le constat est là ! Nous ne pouvons pas seulement nous plaindre et gémir, mais nous devons passer à l’action avec une vision partagée et des missions qui vont nous demander un sacrifice à chacun d’entre nous : changer le comportement de sa vie, changer les systèmes qui - aujourd'hui nous le savons tous - appauvrissent le plus grand nombre et enrichissent de moins en moins de personnes.

 

La première des visions est de voir l’Humanité comme un corps dont chaque être est un membre. Et si nous voyons l’Humanité comme un corps, chaque être a sa place. Il n’y a pas un membre plus honorable qu’un autre et chaque partie de ce corps est noble par la contribution qu’elle amène au corps pour qu’il puisse vivre et prospérer. Cette nouvelle vision d’une humanité qui se retrouve avec elle-même conditionne tout le reste. Accepter et intégrer toutes ces différences nous enrichit tous. Sinon, nous allons assister à des mouvements radicaux qui vont à l’extrême de ceci. Dans leur vision, l’Humanité n’est pas un seul corps, mais divisée en peuples, en catégories, en religions… donc une idéologie destructrice de l’unité du monde et de l’humain. Nous allons vivre dans un monde de plus en plus replié sur lui-même et à nous dresser les uns contre les autres. Il ne faut pas une spiritualité narcissique, individualiste, défendant ses privilèges et son propre regard sur le monde.

 

Il nous faut aujourd'hui une spiritualité partagée, qui nous ramène à cette quête de soi vers la rencontre de l’autre.

 

Se réaliser sans partager, se réaliser sans connaître cette fraternité partagée avec les hommes et les femmes, c’est une spiritualité qui nous tuera, c’est une spiritualité nihiliste ! Nous savons tous que personne n’a la baguette magique, ni les clés pour dénouer les problèmes auxquels est confrontée l’humanité.

 

Mais avec du bon sens et une réflexion profonde, sincère et véridique, et surtout humaine, profondément humaniste, nous pouvons faire bouger les consciences et faire de cette rupture, la rupture du renouveau. Sinon, la rupture est là et elle sera dramatique pour tous. Questionnez aujourd'hui les Grecs et vous allez voir que la rupture pour eux est faite et ils savent qu’ils se sont engagés pour des décennies dans un système qui les pressera comme un citron. Cela profitera aux spéculateurs qui ont prêté de l’argent tout en sachant leur incapacité à rembourser.

 

On ne peut pas se réfugier dans une tour d'ivoire et regarder le drame que vit l'humanité d'aujourd'hui. Nous sommes 7 milliards aujourd’hui et bientôt 9 milliards ! Donc ce problème ne fait que de s’accroître. Il va falloir les loger, les transporter, les éduquer, les nourrir… donc quel est l’avenir ?

 

Aujourd’hui, si nous ne faisons pas ces actions à l’échelle internationale et qu’ils aient une visibilité et une lecture auxquelles adhèrent le plus grand nombre, alors le péril est là ! Nous allons vers ce qu’on nous a promis : le choc des civilisations. Ce qui est en train de se dessiner petit à petit. Les populistes vont utiliser les peurs des gens.

 

La touche d’espoir est qu’à travers la COP21, le monde politique a sollicité la présence des spirituels à lancer un appel au monde entier. Il y a un début de prise de conscience, il y a là une force - jamais utilisée - qu'on appelle la spiritualité et qui peut nous convaincre les uns et les autres que nous pouvons faire quelque chose.

 

Compte-rendu: Yassine Nasser

 

 

La rencontre "Faire la Paix avec la Terre" a été organisée par

 

 

 

Rencontre "Faire la Paix avec la Terre"

Photos © Catherine Touaibi