Emission Tout un monde, jeudi 8 octobre 2015

 

Pour le cheikh Khaled Bentounès, le religieux a toute sa place dans nos sociétés

 

Le religieux est de retour sur la scène internationale avec, de la part des groupes extrémistes, une instrumentalisation des religions qui complique le dialogue. Cette interprétation radicale du religieux n’est le fait que de petites minorités, mais leur impact est préoccupant. Interview du cheikh Khaled Bentounès, leader spirituel de la confrérie soufie Alawiyya.

 

Le Cheikh Bentounes incarne une Culture de Paix, de dialogue, où la spiritualité transcende les dogmes. Le religieux a toute sa place dans la société. Il s'agit de s'interroger sur ce que la religion apporte au niveau du sens ?

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"Il faut aujourd'hui interroger les religions sur ce qu'elles apportent au niveau du sens et de l'unité de la famille humaine. C'est important. N'oublions pas que la religion aujourd'hui dans le monde représente 80 % de gens qui ont encore la foi. J'esptime qu'un pays comme la France qui est un pays laïc qui invite des personnalités représentatives de toutes les religions du monde à s'exprimer sur de tels sujets, c'est un pas en avant, c'est quelque chose qu'il faut encourager. L'Occident s'est sécularisé mais le reste du monde reste attaché à sa foi et à ses religions. Leur tourner le dos, c'est tourner le dos à la majorité de la population mondiale.

 

Si on n'occupe pas l'espace par un dialogue civilisationnel, interreligieux, ce sont les extrémistes qui auront droit au chapitre. Les religieux aujourd'hui, notamment les spiritualités rencontrent un handicap majeur parce que les médias sont intéressés beaucoup plus par l'extrémisme que par la voie de la sagesse. Si on n'intervient pas sur ce champ-là et qu'on le laisse aux extémismes de tous bords, nous allons vers une fracture de la société humaine.

 

Qui paye aujourd'hui le prix fort ? Ce sont les musulmans. Il y a 1,5 mia de musulmans dans le monde. Quant on voit qu'aujourd'hui c'est le patrimoine de l'islam, qui est aussi le patrimoine de l'humanité qui est en train d'être détruit pour effacer les mémoires. L'humanité doit revoir sa raison d'être. Il faut qu'elle redonne du sens à la personne humaine, qu'elle redonne sens à la sacralité de la vie. S'il y a cette unité divine, c'est aussi l'unité de la famille humaine. Le monde de demain est le monde de la synergie. Ce n'est pas le monde du chacun pour soi. Ce n'est plus possible. La population de la terre augmente. Les défis climatiques vont venir. La mondialisation a fait qu'aujourd'hui l'humanité est un tout. Et il faut lui donner une âme.

 

Il faut faire la distinction entre la laïcité et l'extrémisme aussi laïc. La laïcité bien comprise, c'est au contraire quelque chose qui donne le droit à chacun de penser, de vivre sa religion, sa spiritualité. Elle lui garantit cela. Etre laïciste, c'est autre chose: c'est rejeter tout ce qui nous relie à la transcendance; c'est nier la foi de l'autre, la croyance de l'autre. La laïcité c'est le respect de la philosophie de l'autre, le respect de la dignité de l'autre. Si la laïcité se transforme en église extrémiste, on n'a pas fini d'agraver le problème."

 

"Il faut donner une âme à l'Humanité."  Cheikh Bentounes