27.03.2015 | Par Jacques Neirynck

Pourquoi il est crucial de reconnaître l'islam

Il faut reconnaître l’islam, pas seulement juridiquement mais aussi moralement, soutient Jacques Neirynck, conseiller national (PDC/VD)

 

Les cantons de Bâle et Vaud entament un processus de reconnaissance juridique de l’islam, seconde religion professée en Suisse ainsi que dans le monde. Il devient impossible et ridicule, odieux et dangereux de s’en abstenir, de faire comme s’il s’agissait d’une superstition tout juste bonne pour des tribus nomades du désert. En fait pour l’Occident, cela revient à reproduire cette culture du mépris, jadis infligée au judaïsme. A Fribourg, l’UDC en arrive aujourd’hui à refuser que l’Université crée un Centre islam et société, violant l’autonomie académique, refusant d’accepter que le problème se pose, stigmatisant les musulmans.

«Reconnaître», dans son exigence la plus profonde, c’est «parvenir à connaître, à apercevoir, à découvrir la vérité de quelque chose.»

 

Cette vérité, c’est d’abord le fait que, sur les 328 000 musulmans, 110 000 sont des citoyens suisses, éventuellement convertis. Parmi les autres depuis longtemps intégrés dans la société suisse, 56,4% proviennent des Balkans et 20% de Turquie.

 

Cependant, plus encore que la reconnaissance juridique, c’est admettre que l’islam a une visée spirituelle, digne de respect. Pour l’accepter, il convient de procéder à un examen de conscience et de «reconnaître» que le christianisme fut – et est encore – au moins aussi agressif et violent que la réputation qu’il prête à l’islam. On pourrait énumérer une lamentable litanie depuis les Croisades, la conversion forcée des musulmans de Grenade en 1502, le colonialisme du siècle passé jusqu’aux guerres d’Afghanistan et d’Irak.

 

Or, l’équivalent judéo-chrétien du djihadisme est également fondé sur des textes bibliques. Le livre de Josué décrit la première invasion d’Israël en Palestine, voici trente siècles. Il ne s’agit pas d’une guerre au sens ordinaire, visant la seule conquête d’un territoire, mais bien d’un génocide comme cela est précisé lors de la chute de Jéricho: «[Les Israélites] vouèrent à l’interdit tout ce qui se trouvait dans la ville, aussi bien l’homme que la femme, le jeune homme que le vieillard, le taureau, le mouton et l’âne, les passant tous au tranchant de l’épée. (Josué 6,21).» Cet interdit correspond à la prescription de la Torah: «Mais les villes de ces peuples-ci, que le Seigneur ton Dieu te donne comme patrimoine, sont les seules où tu ne laisseras subsister aucun être vivant (Deutéronome 20,16).» Non seulement «Dieu» ne réprouve pas le génocide, mais il l’ordonnerait selon cette Bible, pieusement conservée dans les familles chrétiennes.

 

Certes, l’islam est actuellement piégé par sa croyance dans la dictée textuelle du Coran par un ange, représentation de Dieu lui-même. Or, certaines de ses prescriptions, adaptées à la société du VIIe siècle dans la péninsule Arabique, paraissent aujourd’hui totalement barbares et contraires à l’inspiration centrale de l’islam. Mais il en est de même de la Bible. Ces deux textes antiques sont dépassés par l’évolution des sociétés civiles, moins violentes, plus tolérantes. C’est le danger permanent des religions du Livre, tentées par une lecture littérale, tenue pour la Parole de Dieu.

 

Sur certains points, la société occidentale aurait avantage à s’inspirer du Coran. Ainsi le mythe du péché originel est le soubassement morbide de la culpabilité, du pessimisme, de l’angoisse, typiques de la culture européenne. Or l’islam présente la faute d’Adam comme une simple omission et non comme une faute intentionnelle. Selon le Coran, «Adam désobéit à son Seigneur et s’égara. Puis Dieu en fit son élu, revint à lui et le dirigea sur le chemin droit.» Une idée centrale de l’islam est l’innocence fondamentale de l’homme. Les fautes qu’il commet sont pardonnées au moment même où il s’en repent, sans besoin de les chuchoter dans un confessionnal.

 

Pour une majorité des Européens, l’image de l’islam reflète en miroir le désert spirituel de l’Occident, ses errances, ses contradictions, sa violence, son écartèlement entre son exigeante tradition religieuse et son idolâtrie de l’argent, son productivisme, son individualisme. Il se satisfait de stigmatiser l’islam alors que ce serait une occasion historique de se réformer.

 

La nature de l’homme a horreur du vide spirituel. Si elle ne trouve rien d’authentique pour le remplir, elle recourra à des croyances insensées: l’horoscope ou la voyance, les apparitions, l’adhésion à des sectes, l’engouement pour les rebouteux, la méfiance à l’égard de la science, le culte des reliques. Le vide créé par la décrue de la foi est comblé par de rustiques superstitions. De jeunes chrétiens, ne comprenant plus leur foi, se convertissent à l’islam et s’engagent dans le djihadisme. Cette dérive de l’islam sanctionne l’apostasie des chrétiens. De même que les musulmans doivent renoncer à une lecture littérale du Coran, les chrétiens doivent réformer les croyances qui parasitent leur foi pour en retrouver les racines.

 

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